Le géant de la musique folklorique s’en est allé à 92 ans, après plus de 70 ans de don artistique. Des obsèques officielles et populaires seront organisées aujourd’hui pour les adieux à Wadih el-Safi, celui qui a été célébré durant sa vie comme une véritable légende.
D’aucuns, notamment le syndicat des musiciens professionnels, se sont demandés pourquoi une journée de deuil national n’a pas été décrétée pour la disparition de ce grand symbole national. La réponse que nous avons eue du bureau du Premier ministre Nagib Mikati est la suivante : cette décision a été prise suite à des concertations au plus haut niveau de l’État, étant donné que le deuil national n’avait pas été décrété précédemment pour d’autres grands artistes tels Assi ou Mansour Rahbani. En d’autres termes, les grands de l’art ne méritent pas les mêmes égards que les hommes politiques, locaux ou étrangers...
Le programme des obsèques a été rendu public hier par le coordinateur de la couverture de l’événement, Gilbert Bou Damès. Celui-ci a appelé « à une participation massive aux obsèques » et encouragé le public « à accueillir le cercueil avec des roses, du riz, des photos et des prières ». Le cortège se rendra de l’hôpital Bellevue à Mansourieh jusqu’à la cathédrale Saint-Georges du centre-ville, en passant par plusieurs arrêts : le rond-point Mkallès à 9h30, le rond-point de Dékouané à 10h, le rond-point de Sin el-Fil à 10h30, le rond-point de Jisr el-Bacha à 11h, l’église Mar Roukoz à Hazmieh à 11h30 et, enfin, le rond-point Furn el-Chebback à 12h. Les obsèques auront lieu à 15h, et les condoléances seront reçues avant et après la messe dans le salon de l’église, ainsi que le mardi et le mercredi de 11h à 19h. Par ailleurs, de nombreuses personnalités et délégations ont visité hier la famille en sa demeure à Hazmieh.
Les réactions à la mort du grand artiste se sont multipliées le week-end. Le président de la République Michel Sleiman a contacté la famille par téléphone pour présenter ses condoléances et « exprimer sa grande tristesse » pour la disparition de Safi. Il a considéré sa mort « comme une perte pour la nation et pour chaque famille libanaise, parce qu’il a concentré dans son art toute la fierté nationale ».
Dans son message de condoléances, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a estimé que « notre seule consolation après la disparition de Wadih el-Safi est qu’il a gravé son nom près de ceux des grands de ce pays ».
Le Premier ministre désigné, Tammam Salam, a contacté la famille de Safi pour présenter ses condoléances. Il a estimé que « les grands ne meurent pas, ils restent vivants à travers leurs œuvres et leurs réalisations ».
Le patriarche maronite Béchara Raï a évoqué « le grand disparu » dans son homélie durant la messe dominicale hier à Bkerké. Il a rappelé que les grands du monde de l’art avaient donné à Safi des surnoms qui lui étaient exclusivement réservés, tels « le grand maître » ou « l’un des piliers du Liban et du monde arabe ». « Dieu nous enverra-t-il un autre Wadih el-Safi avant six mille ans ? » s’est-il demandé.
Les chefs de bloc parlementaire et de parti n’étaient pas en reste. Fouad Siniora, chef du bloc parlementaire du Futur, a vu dans la disparition de Safi « celle du dernier des géants ». Il a affirmé que son héritage musical restera une grande source d’influence pour les jeunes générations. Pour Michel Aoun, chef du bloc du Changement et de la Réforme, le Liban a perdu « un grand homme » en Wadih el-Safi. « Peut-on souhaiter l’éternité à celui qui est déjà éternel, et l’amour du public à celui qui est déjà aimé en tout lieu ? » a-t-il poursuivi. « Nous n’oublierons jamais les trémolos de sa voix qui résonnaient en nous dans les moments difficiles », a souligné pour sa part Samir Geagea, chef des Forces libanaises (FL). « Le Liban que tu as aimé ne disparaîtra jamais », a-t-il ajouté.
Le départ d’un géant de la chanson
Le ministre de l’Information, Walid Daouk, a déclaré que le Liban « a perdu un de ses géants ». Pour lui, Wadih el-Safi « a concentré en son grand art le parcours de l’art libanais, et a constitué une figure exceptionnelle à l’époque des grands ». Le ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour, a affirmé que Safi « manquera aux Libanais dans les cinq continents, des Libanais pour qui sa voix claire était celle de la nostalgie et des souvenirs ».
Le député Boutros Harb a exprimé sa tristesse suite à la disparition de Safi, « ce pilier artistique et national unique », estimant qu’« un lopin de ciel du Liban a disparu ». Le député Talal Arslane a vu dans la disparition de Safi « celle d’un pilier national et artistique », et a appelé à une participation massive à son enterrement. La députée Bahia Hariri a considéré qu’« avec la disparition du grand artiste Wadih el-Safi, le Liban a perdu un des symboles de sa renommée mondiale, un homme qui a porté son pays dans son cœur et l’a répandu au son de son oud et de sa voix dans le monde entier ». Pour sa part, Nazek Hariri, veuve de l’ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri, a envoyé un message de Paris dans lequel elle considère que « Wadih el-Safi était un créateur exceptionnel qui a porté son pays dans tous les recoins de la terre ».
Par ailleurs, le bureau de communication du Parti national libéral (PNL) a publié un message de condoléances pour la mort de Safi, dans lequel il célèbre « son long parcours dans l’art ».
Les institutions artistiques et pédagogiques ont aussi réagi à la disparition de Safi. Le Centre international pour la propriété intellectuelle (ICIP) a célébré « un grand artiste qui a disséminé son art créatif et varié sur plus d’un demi-siècle aux quatre coins de la terre ». L’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) a présenté ses condoléances pour « celui auquel a été décerné le premier doctorat honorifique de l’université ». Le Conservatoire national a annoncé qu’il fermait ses portes le lundi en signe de deuil pour la disparition de Wadih el-Safi.